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Zootographe - Blog non-officiel du Zooparc de Beauval

Les zoos : pour ou contre ?

Ceci est un article assez sommaire, destiné à exposer mon point de vue sur les parcs et jardins zoologiques, qu'il me paraît indispensable d'évoquer dans ce blog. Je le développe de temps en temps, au gré de mon inspiration. J'évoque aussi d'autres éléments, sur le concept de biodiversité en général, dans une autre page de ce blog.

UN PEU D'HISTOIRE

Depuis l'aube de l'humanité, les humains entretiennent des relations très étroites avec les animaux. En plus des aspects utilitaires (qui concernent pour l'essentiel la faune domestique), ceux-ci jouent un rôle immense dans les arts, les imaginaires, les mythes et la spiritualité.

Jusqu'à une époque très récente, le peuple (surtout paysan) partageait sa vie avec les animaux de ferme et côtoyait la faune sauvage, avec laquelle il avait des rapports plus ou moins bons (d'où la distinction historique, et un brin obsolète, entre "animaux utiles" et "animaux nuisibles"). Notre imaginaire collectif en est largement empreint, depuis les comptines enfantines jusqu'aux fables de la Fontaine ou même aux récits bibliques.

Les collections d'animaux, les "ménageries" comme on les appelait alors, étaient réservées aux classes aisées voire princières : on en trouve des traces depuis la Haute Antiquité, dans toutes les civilisations, européennes ou non. Les Perses les nommaient "paradeisos", qui est à l'origine de notre mot "paradis". Les animaux sauvages étaient souvent perçus comme des gages de paix et d'alliance entre les rois et les nations : l'empereur Charlemagne s'était vu offrir un Eléphant blanc par le calife de Bagdad Haroun ar-Rachid, tandis que les empereurs de Chine avaient coutume d'offrir des Pandas à leurs voisins asiatiques dont le Japon (l'on parle de "diplomatie du Panda", qui perdure jusqu'à aujourd'hui !).

Les temples et les lieux saints entretenaient historiquement de nombreux animaux sacrés : c'est toujours le cas en Inde aujourd'hui, mais c'était très courant en Egypte, en Grèce... Au Moyen Âge, des monastères chrétiens comme celui de Saint-Gall en Suisse avaient aussi "leurs" animaux sauvages.

Le peuple pouvait avoir un contact occasionnel avec des animaux rares ou exotiques, à travers les foires et les saltimbanques.

Après les croisades (re-découverte de l'Orient) puis la découverte officielle de l'Amérique par les Européens (1492), les monarques se sont souvent constitués des ménageries privées qui illustraient leur pouvoir sur le monde. Certains des pensionnaires de ces ménageries ont été immortalisés par les plus grands artistes de leur temps (Dürer, Jérôme Bosch... qui pouvaient ne pas les avoir vus directement).

Il arrivait que quelques animaux sauvages (y compris des espèces rares, étranges et d'origine lointaine comme des Casoars, des Rhinocéros...) soient présentés au peuple par des montreurs lors d'exhibitions itinérantes.

A la Révolution française, ce qui était le privilège des rois ou du clergé est devenu un bien national, accessible au peuple. Les ménageries n'y ont pas échappé : c'est en ce temps que fut créé le Muséum National d'Histoire Naturelle, dont la Ménagerie du Jardin des Plantes (le plus ancien zoo ouvert au public dans le monde) est encore visitable aujourd'hui.

Au long du 19ème et jusqu'au début du 20ème siècle, les établissements zoologiques ont contribué à la mission d'éduquer la population, non sans errements (les "zoos humains" et autres "expositions coloniales" du début du 20ème siècle, fréquemment dénoncés depuis mais qui ne correspondaient qu'à la doctrine dominante de l'époque qui postulait la supériorité des Européens sur les autres peuples).

Les parcs zoologiques de cette époque étaient aussi des lieux où s'expérimentaient des tentatives de domestication et de création de cheptels d'espèces ou de races animales exotiques (Chameau, Yack, Chèvre angora...), dans un but souvent utilitaire. D'où les noms de "Jardin d'acclimatation" (Paris), "Jardin d'Essai" (Alger)... fréquemment accolés à ces établissements.

Cette vocation d'élevage a trouvé un prolongement inattendu dans les décennies qui suivirent, cette fois pour sauver des espèces menacées : par exemple les Bisons (américains et européens) au bord de l'extinction à la fin du 19ème et au début du 20ème siècles.

Après 1945, les zoos ont été largement contestés. Nombreux établissements vieillissants et insalubres, développement des supports audiovisuels (cinéma, télévision...), remise en cause du colonialisme et des pratiques associées à la domination de l'homme blanc (chasse sportive, prélèvements d'animaux dans la nature)... contribuaient à les rendre obsolètes dans l'opinion publique. Tels sont les arguments "anti-zoo" fréquemment entendus depuis la seconde moitié du 20ème siècle (et encore sporadiquement ça et là).

1 (1921)

LES ZOOS AUJOURD'HUI... ET DEMAIN !

La grande majorité des parcs zoologiques a su se rénover, ils continuent à l'heure actuelle à attirer un public nombreux pour des motifs variés : simple promenade, divertissement, amour des animaux, contact avec la vie sauvage... Beaucoup d'entre nous le perçoivent comme un lieu de rencontre de l'homme "urbain" avec le monde animal (surtout les espèces rares et/ou exotiques).

Les progrès accomplis en physiologie, en éthologie... ont aussi contribué à faciliter le maintien et la reproduction d'espèces réputées impossibles à élever il y a quelques décennies à peine. Chez de nombreuses espèces, l'espérance de vie des animaux en zoo dépasse celle de leurs congénères dans la nature, où la faim, les intempéries, les prédateurs et rivaux, les maladies, les accidents prélèvent de lourds tributs (sans parler de la mortalité directement causée par les activités humaines, avec le braconnage ou la destruction des habitats). Il en est de même avec la survie des jeunes, pour les mêmes raisons : chez les Guépards (une espèce pourtant réputée "difficile") la mortalité des jeunes à un an est de 20% en zoo, contre 70% en milieu naturel.

Surtout, les zoos ont progressivement endossé une autre mission, celle de conservatoires d'espèces menacées au moyen de plans d'élevage. Les prélèvements dans la nature sont devenus extrêmement rares (sauf cas très particuliers) et encadrés par des conventions internationales comme la CITES (convention de Washington), et, bien au contraire, les zoos entretiennent des ressources génétiques disparues ou menacées dans leurs habitats d'origine du fait de pressions directes (chasse, braconnage) ou indirectes (déforestation, pollution...). Ils contribuent à la reproduction de maintes espèces rares. Ils participent aussi à des programmes de réintroduction, qui s'appliquent désormais à un très grand nombre d'espèces, y compris les grands singes (Gorille), les grands canidés (Loup mexicain), les félins (Panthère de Perse, Tigre de Sibérie et de Chine du Sud, Jaguar, Lynx ibérique...) et même les Pandas géants et, depuis 2021, les Eléphants.

Plusieurs espèces, désormais réintroduites dans leur milieu naturel, se seraient sans doute éteintes sans les zoos : le Cheval de Przewalski, l'Oryx d'Arabie, le Tamarin-lion doré... jusqu'à des créatures bien plus humbles - et fort peu connues du grand public - comme le Crapaud de Kihansi (Tanzanie), le Criquet de Crau (Provence) ou les Escargots de Partula (Polynésie française) parfois disparues ou en danger immédiat de disparition dans la nature et pour lesquelles les zoos ont joué un rôle vital.

1 (11639)"Kakémono" illustrant un exemple d'action de protection d'une espèce (Gorille de l'Ouest au Gabon) et de son habitat, avec sensibilisation de la population locale, soutenue par des parcs zoologiques dont le Zooparc de Beauval. Photo prise le 28/01/2018.

Au-delà des actions de sauvegarde d'animaux rares en captivité ou même de leur réintroduction dans le milieu naturel, fortement médiatisées, les parcs zoologiques sont de plus en plus actifs dans la protection "in situ" (= dans le milieu naturel) par exemple en finançant des actions de recherche, des patrouilles anti-braconnage ou bien des sources de revenus alternatives pour les populations locales (agroforesterie, écotourisme...). Ils participent même à l'étude et à la protection d'espèces qui ne sont elles-mêmes pas (ou très peu) présentes en zoo : Tatou géant, Saola, Indri, Marabout indien, etc... (et sont à peu près le seul endroit où le grand public peut être informé de la protection voire de l'existence de ces espèces largement négligées par les médias)

La contribution des zoos - en termes de financement et d'assistance technique - est essentielle à la sauvegarde de la faune de certains pays comme la République démocratique du Congo ou Madagascar, où la protection de la nature est faiblement soutenue (pour des raisons assez évidentes...) par les autorités publiques.

1 (2706)L'Okapi, une espèce menacée d'extinction, très mal connue et à peu près impossible à voir et photographier dans le milieu naturel. Les parcs zoologiques du monde élèvent et reproduisent cet animal, mais contribuent surtout à financer sa protection et celle de son habitat, et à améliorer les conditions de vie des populations locales dans son pays (la République démocratique du Congo) qui est un des pays les plus pauvres du monde, et aux prises avec une situation de guerre civile endémique depuis plusieurs décennies. Ils font aussi connaître au grand public ces enjeux et les actions de protection qui sont entreprises. Photo prise le 19/09/2015.

Elle est d'autant plus importante compte tenu d'aléas (comme la crise du coronavirus actuelle) qui ont brutalement fait chuter certaines sources de revenus comme le tourisme de safaris.

Les zoos, c'est aussi une affaire de solidarité internationale dans un domaine où rares sont ceux qui s'impliquent concrètement.

Mais il n'y a pas que les pays en développement. En France et en Europe, les zoos participent, en lien avec les instituts de recherche (CNRS...), les universités et les autorités d'Etat ou territoriales, à la protection et à la réintroduction de nombreuses espèces dans le milieu naturel (outardes canepetières, rapaces, loups, lynx, tortues cistudes...).

Un cas emblématique est celui de la Cigogne blanche : au milieu des années 1970, la France n'en comptait plus que 9 couples nicheurs, tous alsaciens, et leur disparition semblait inéluctable. Les zoos et parcs animaliers d'Alsace (Mulhouse, Strasbourg et plusieurs autres parcs) ont alors engagé des opérations d'élevage et de réintroduction de cigognes, bientôt relayés par d'autres parcs ornithologiques dans d'autres régions (Parc ornithologique de la Dombes près de Lyon, du Teich dans le Bordelais, du Marquenterre dans la Somme...), ce qui a facilité la réimplantation de ces échassiers dans de nombreuses régions... et a accru l'intérêt des populations locales et des visiteurs de passage (écotourisme) pour leur protection. Aujourd'hui l'on en compte environ 1.750 couples, et les effectifs continuent de croître !

Les personnels qualifiés des zoos constituent aussi un vivier de compétences rares (vétérinaire, éthologue...) et nécessaires à la connaissance et à la protection de la faune sauvage (quels militants anti-zoo pourraient proposer l'équivalent ?). En France comme à l'étranger, les établissements de recherche (universités, CNRS), les organisations internationales (WWF, UICN...) s'appuient sur leur expertise, que l'on saurait difficilement trouver ailleurs. En octobre 2023, l'IUCN a publiquement pris une position en faveur du rôle des zoos et des aquariums - ainsi que des jardins botaniques - dans la conservation des espèces menacées.

Pour certaines espèces (Kangourous arboricoles, Pandas roux, Panthères des neiges, Okapis, certains lémuriens, etc...) l'essentiel des connaissances que l'on peut avoir sur leur biologie provient d'observation dans les zoos. En effet leur observation dans la nature est rendue difficile pour une infinité de raisons : rareté des espèces, comportement discret, milieu de vie reculé et inhospitalier, contexte politique... ou une combinaison de plusieurs de ces facteurs !

De telle sorte que l'on peut dire que "les animaux des zoos sont les ambassadeurs de leurs cousins sauvages" (Pierre Gay, directeur du zoo de Doué-la-Fontaine).

1 (6801)Panneau de parrainage d'un Tapir malais, espèce en danger dans le milieu naturel. Photo prise le 12/02/2017.

Les zoos jouent également un rôle immense dans la sensibilisation de nos concitoyens à la protection de l'environnement et de la biodiversité de manière générale en informant le public sur les actions qui permettent d'agir positivement en faveur de la protection de la nature et de l'homme (par exemple pour éviter l'achat d'huile de palme et de bois tropicaux issus de la déforestation, pour privilégier des produits issus du commerce équitable, pour sensibiliser aux bâtiments économes en énergie).

1 (25265)Vidéo de présentation du comportement des Ours bruns, diffusée devant l'enclos de ces animaux. Photo prise le 26/10/2020.

Ils peuvent également informer les visiteurs à la biodiversité locale : savez-vous que des Hérons cendrés sauvages nichent au Zoo de Beauval, et même des Hiboux grands-ducs dans les arbres du zoo de Mulhouse ? Ou encore aider à surmonter les préjugés que l'on peut avoir face à certaines créatures (par exemple le zoo de Londres propose une balade dans une serre au milieu des araignées depuis quelques années).

Il en est ainsi en France ou en Europe comme ailleurs dans le monde, certains zoos des pays du "Sud" - comme ceux de Rabat ou d'Abidjan, pour ne citer que ceux-ci - me paraissent très prometteurs pour éveiller l'intérêt de la population locale à la protection de leur biodiversité.

A l'heure où l'Humanité est majoritairement urbaine, à l'heure aussi de la mondialisation et d'un brassage planétaire (pour reprendre la formulation de Gilles Clément) du monde vivant, les zoos sous leur différentes formes (on peut également citer les parcs ornithologiques, les voleries de rapaces, les aquariums, reptilariums, voire les fermes pédagogiques...), sont autant de ponts et de lieux de (re)connexion entre le monde humain et le monde animal proche ou lointain (l'interpénétration du proche et du lointain appellerait aussi toute une réflexion, qui dépasse de très loin l'objet de ce blog, autour du concept d'hétérotopie que je développerai peut-être davantage un jour), qui sont à considérer comme une partie d'un maillage très complexe qui nous relie à la nature et à son intelligence, tout comme une promenade dans un parc urbain, en forêt, à la ferme ou au bord de la mer, une exposition de photographies, peintures ou sculptures animalières, un film documentaire, le vol d'une abeille ou d'un oiseau vu depuis une fenêtre, le toucher d'une fleur ou d'une écorce ou même un animal familier.

Un ensemble d'éléments qui est une source d'étonnement et d'apprentissage essentiel au développement durable, et à un épanouissement humain en symbiose avec la nature, par delà la simple image de "conservatoire d'espèces menacées" couramment mise en avant.

"Les parcs zoologiques nous inspirent avec la beauté, la diversité et le mystère de la faune sauvage, et font naître le désir de la préserver dans une population d'Hommes devenue principalement urbaine." (Philipp HENSCHEL, directeur régional de l'ONG de protection des félins Panthera)

"Nous devons penser au-delà de l'idée de conservation" (Ilya PRIGOGINE)

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Bienvenue dans Zootographe, un blog photo dédié au Zooparc de Beauval, un parc animalier dans lequel je me rends régulièrement. Ceci N'EST PAS un blog officiel de ce parc.

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